Foufah, alluminium, bois de thuya et couleurs à Essaouira
Caché dans un recoin du mellah, l’ancien quartier juif de la médina d’Essaouira, un petit atelier déborde de couleurs et de formes énigmatiques.
C’est ici que Foufah, artiste autodidacte au sourire lumineux, donne vie à son monde intérieur sur des morceaux de bois de thuya
« J’ai commencé très tôt. Pendant les vacances, mon père m’amenait chez le Maalem, parce que j’aimais ça. Le Maalem m’a appris la technique du bois et de l’aluminium, mais l’art, c’est moi. » se souvient Foufah.
Son nom d’artiste, Foufah, est déjà une œuvre : un surnom donné par son père, en clin d’œil à sa peau qui bronze vite sous le soleil d’Essaouira. « Ça veut dire bronzé », sourit-il.
Foufah dessine, grave, insère de l’aluminium dans les contours, puis peint minutieusement à l’intérieur avec une palette éclatante.
Son style, il ne l’a pas appris dans une école : « Les connaisseurs m’ont dit : ça c’est de l’art brut. C’est l’art des autodidactes. »
Il revendique aussi une influence de l’art naïf :
« J’aime beaucoup les dessins des enfants. Ce sont de grands artistes. Ils jouent. Ce sont aussi mes critiques préférés. »
Sur ses morceaux de bois recyclés, il esquisse des visages et des silhouettes énigmatiques. Quand on lui demande la signification d’une œuvre, il rit :
« Je vous dirai pas (rires). C’est vous qui interprétez. Si je vous dis, je limite le truc. Moi je ne me lasse pas de mon travail, je peux le regarder des heures. Et vous, à chaque fois que vous allez le regarder chez vous, vous verrez autre chose. »
Pourtant, parfois, il glisse un indice :
« Là, c’est un chemin. Des étapes. Ça commence par la vie en rose et ça finit pas avec le bleu. Le orange, pour moi, c’est gai. »
« Quand je fais la forme de la tête en pointe, ce sont les femmes. Les ronds, ce sont les hommes. Et les femmes sont toujours plus grandes : elles sont très très sacrées et respectées chez nous. »
Foufah aime aussi partager son savoir-faire avec ceux qui croisent son chemin. Lors de notre rencontre, il m’a invité à participer : j’ai moi-même creusé le bois, intégré l’aluminium et peint sous ses conseils.
Patient et pédagogue, il prend le temps d’expliquer chaque geste, avec la générosité de ceux qui aiment transmettre autant que créer.
Son amour de l’art est né d’un moment inattendu, il y a 17 ans :
« Un petit garçon de cinq ans, Mayburn, voulait faire comme moi. Il est resté vingt jours dans l’atelier. Sa mère lui a proposé de dessiner des visages d’un magazine. Et je me suis dit : moi aussi je peux faire ça. »
Au-delà de l’art, Foufah parle aussi de la mer, des poissons, des détails simples de la vie à Essaouira :
« J’aime pas trop la viande, mais j’adore le poisson. Surtout les sardines, mais pas les grandes ! Celles de 17 cm surtout quand les écailles ont la couleurs de l’argent (nokra). C’est ma ville, je sais ce que je dis ! (ndlr : Essaouira est un port réputé)
Les œuvres de Foufah sont uniques, à l’image de l’homme et de son parcours.
Pour le retrouver, il faut parfois se balader dans la medina et demander autour : Ismaël, Cherif, ou Foufah.
Et si son atelier change, son art, lui, continue de voyager dans les cœurs.
